Novembre, c’est le mois de la gestion sonore. Nous avons donc choisi d’interroger une nouvelle fois Anne-Laure Prunier, coordinatrice du pôle Prévention au Polca pour faire coup double : non seulement elle peut mettre à jour les informations concernant les actions de prévention des risques auditifs, sa précédente interview remontant à 2014, tout en présentant l’élargissement des missions du pôle avec la crise de la CoViD.
Prénom / Nom : Anne-Laure Prunier
Âge : 42 ans
Structure : Polca
Fonction : Coordinatrice du Pôle prévention
Peux-tu nous rappeler ton parcours professionnel ?
Anne-Laure : Après des études scientifiques en biologie, j’ai eu une première carrière de chercheuse en laboratoire sur des maladies infectieuses, aux USA puis à l’Institut Pasteur de Paris, pendant 7 ans. La précarité et le peu de reconnaissance des chercheurs en France m’ont ensuite poussée à une reconversion professionnelle dans la médiation scientifique, la vulgarisation. Pour y parvenir j’ai fait une Licence Pro « Chargée de projets culture scientifique » au CNAM, qui m’a amenée à faire un stage chez ACCUSTICA, le CCSTI – Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle de Champagne-Ardenne. Une de mes missions là-bas a été de participer au montage d’un partenariat avec le Polca autour de la prévention des risques auditifs. Pour moi c’était un sujet hyper motivant : je suis depuis longtemps amatrice de musiques actuelles. Lorsque j’étais étudiante à Reims, j’étais bénévole dans des associations organisatrices de concerts comme Azimut Projections et les Pirates de l’Art, et j’avais gardé beaucoup de contacts dans le milieu. Dans le cadre de ce projet, j’ai aidé à lancer le plan de prévention des risques auditifs porté par le Polca, ce qui a permis de récolter des subventions et de créer mon poste début 2014.
Quel est ton rôle au sein du Polca et comment a-t-il récemment évolué ?
A-L : Originellement, j’avais pour mission de mettre en œuvre un nouveau plan de prévention auditive, au service des adhérents et de la communauté éducative de Champagne-Ardenne. En particulier, j’ai coordonné la création de notre spectacle pédagogique « Peace&Lobe » avec le groupe Ouïe Fi, et organisé la tournée des séances scolaires chaque année. J’ai aussi développé l’aspect « ressources » au service des pros, en diffusant les campagnes de prévention nationales d’AGI-SON avec les affiches, flyers, bouchons, spots vidéos, en organisant et en tenant des stands de prévention, en conseillant les organisateurs de concerts, les musiciens et techniciens sur la règlementation concernant les sons amplifiés – une nouvelle loi encadrant leur diffusion est sortie en 2017 – mais aussi en tissant des liens avec les personnels et les établissements scolaires qui souhaitaient travailler sur le sujet, au-delà de leur participation à notre spectacle. Je me suis formée sur le tas puis j’ai validé une formation de formateurs en gestion sonore, et aujourd’hui j’anime certaines formations et ateliers sur le sujet.
En 2020, la situation sanitaire a mis un coup d’arrêt à tout un pan de cette activité, et mon expérience dans le domaine des maladies infectieuses m’a logiquement poussée à proposer de devenir référente CoViD au Polca, avec un service de veille et de conseil aux adhérents sur la situation sanitaire. Je participe donc, depuis fin mai, à la rédaction d’une lettre d’information hebdomadaire pour tenir les membres du réseau informés des dernières évolutions, en particulier concernant les restrictions et obligations qui concernent notre secteur et qui sont fortement évolutives en ce moment. Je réponds aussi aux questions de nos adhérents au cas par cas. Enfin, je propose et j’anime des temps d’échanges entre des structures concernées par les mêmes problématiques, pour ceux qui en expriment le besoin.
Gardes-tu un lien avec le public malgré la situation ?
A-L : La relative accalmie sanitaire de la fin de l’été, et la timide reprise de septembre-octobre nous ont tout de même permis d’organiser une session de formation pro à la Cartonnerie fin octobre (cf leur article de blog sur le sujet), mais aussi de réaliser un travail de reprise de création du spectacle Peace&Lobe avec les Ouie Fi chez Bords2scènes à Vitry-le-François.
Nous avons pu présenter ce nouveau spectacle in-extremis à 450 collégiens et lycéens venus sur 2 séances à La Cartonnerie de Reims, juste avant les vacances de la Toussaint. A cette occasion, il a donc fallu pas mal échanger en amont avec les établissements concernés, et travailler avec la salle sur un protocole sanitaire acceptable pour tout le monde. Finalement, ça a été un vrai bonheur d’entendre de nouveau résonner la musique dans une salle de concert… Malheureusement, ça n’a pas pu durer, et je gère actuellement les reports de toutes les actions prévues en novembre et décembre avec nos adhérents et plusieurs collèges et lycées. Il y avait aussi des nouveautés prévues, comme l’invitation d’un spectacle lorrain pour la prévention auditive auprès des enfants qui devait se produire plus de 10 fois dans la Marne, les Ardennes et la Haute-Marne en novembre et décembre également…
En attendant de pouvoir reprendre tout cela, les liens sont désormais à 100% numériques, via la lettre d’info hebdomadaire ou l’organisation de visioconférence avec les adhérents en tant que référente/conseil CoViD. En parallèle j’ai été missionnée par le Polca pour participer à la réflexion sur un projet prévention régional qui sera porté en 2021 par le nouveau réseau Musiques Actuelles Grand Est – Grabuge. Finalement, je n’ai donc pas subi de baisse d’activité ! Pour cet aspect du travail tout se fait aussi par e-mails, visioconférences, téléphone et on travaille sur des documents partagés. Le lien est un peu impersonnel, mais c’est intéressant de développer des relations avec d’autres structures de notre territoire.
A quelles nouvelles difficultés es-tu confrontée dans le cadre de ton activité ?
A-L : Étant en télétravail quasiment à 100% depuis le printemps, il a fallu que je trouve mes marques dans cette nouvelle organisation. Mais la transition s’est finalement faite assez naturellement. On a l’habitude, au Polca, de couvrir un grand territoire, puisque de la pointe de Givet au plateau de Langres il y a tout de même 450 km, et donc de devoir travailler à distance avec beaucoup de nos interlocuteurs. Nous faisions aussi pas mal de déplacements avant la crise. Après, ça a été vraiment bizarre cet été de ne pas aller tenir les habituels stands sur les festivals de nos adhérents…
Au quotidien, ce sont les moments de convivialité avec les collègues et les adhérents de passage qui manquent bien sûr. Par contre, en termes d’efficacité, c’est assez radical de passer d’un open space où on pouvait être jusqu’à 6 ou 7 à travailler simultanément, à mon petit bureau à la maison ! Au niveau des échanges professionnels, c’est parfois un peu dur de ne pas voir les gens en « vrai » et cela oblige à être plus attentifs aux mots que l’on utilise, pour bien se faire comprendre. En l’absence de toute la communication non-verbale, on est surpris certaines fois de la façon dont les gens interprètent ce que l’on a voulu dire.
Le plus difficile, c’est de voir l’impact énorme que la situation sanitaire a sur notre secteur. Certains de nos adhérents sont vraiment désemparés, voire envisagent d’arrêter leurs activités même quand les concerts seront de nouveau possibles, alors qu’ils étaient jusque-là hyper engagés, motivés et bénévoles pour beaucoup… Sans parler des intermittents, musiciens et techniciens, qui sont dans l’inconnu pour la suite. Il faut donc essayer de positiver, d’encourager les initiatives créatives ou insolites qui émergent ici ou là et de transmettre des bonnes ondes et des encouragements… mais ce n’est pas toujours facile.
Avec le recul, qu’est-ce que tu apprécies le plus dans ton travail ? Et avec ton rôle étendu ?
A-L : J’apprécie toujours autant qu’au début cette possibilité qui m’a été donnée de travailler dans un secteur professionnel que je pensais inaccessible, au vu de mon parcours initial, et qui était longtemps resté pour moi du domaine du loisir. Le regard bienveillant que mes interlocuteurs portent sur les actions que je mène et le fait de participer à une œuvre de salubrité publique sont aussi restés une véritable satisfaction et une grande motivation. C’est encore plus vrai en ce moment avec la mission CoViD et le travail autour du réseau Grabuge. Enfin, je reste attachée à la diversité des missions qui me sont confiées et qui font que je n’ai vraiment pas le temps de m’ennuyer.
Quelles sont les perspectives d’évolutions que tu as pu identifier ?
A-L : J’ai démarré en CDD, à temps partiel et aujourd’hui je suis en CDI à temps plein. J’espère pouvoir continuer à m’investir dans le futur projet régional du Grabuge, tout en gardant des liens avec le territoire de Champagne-Ardenne et les adhérents du Polca, qui m’ont bluffée par leur motivation et leur engagement, y compris dans des territoires qui ne voient pas toujours l’intérêt du développement des musiques actuelles et l’ouverture culturelle qu’elles apportent… À suivre !