Le réseau des Musiques Actuelles Grand Est, Grabuge, a été créé il y a un an pour « favoriser le développement des musiques actuelles par un réseau régional d’acteurs, large et ouvert, représentatif de la filière et du territoire de la région Grand-Est en complémentarité et en synergie avec ses adhérent·e·s ». C’est donc cette nouvelle structure qui dispose désormais des moyens dévolus à tout ou partie des missions qu’a portées le Polca en Champagne-Ardenne depuis 2005. Et c’est donc tout logiquement qu’une partie des actions du Polca vont prendre fin avec la disparition progressive de ses moyens humains. Dans un premier temps, deux salariés du Polca vont intégrer Grabuge. C’est l’occasion pour nous de faire le bilan sur leur expérience au Polca et d’en savoir plus sur leurs fonctions au sein du nouveau réseau.
Pouvez-vous nous rappeler quand vous avez rejoint le Polca et pour quelles missions ?
Anne-Laure : Je suis arrivée en janvier 2014. Ma mission de départ était d’accompagner la création et la tournée d’un spectacle pédagogique de prévention auditive, tout en développant un centre de ressources sur le sujet des risques auditifs, liés à l’écoute et à la pratique musicale. Il fallait donc à la fois proposer des actions en direction des jeunes (collégiens et lycéens), tout en permettant à nos adhérents de se procurer les informations et le matériel nécessaire à la prévention auditive auprès du public des concerts, auprès des artistes, et des professionnels en général. Dès le départ, il était aussi convenu que ma mission comportait un volet d’action « face public » avec la tenue de stands de prévention dans les festivals emblématiques du territoire champardennais.
Rodolphe : J’ai rejoint l’équipe du Polca en mai 2016 au poste de coordinateur du pôle structuration pour aider à la structuration du secteur des musiques actuelles sur le territoire de Champagne-Ardenne. J’avais en charge l’animation des concertations territoriales, la veille et l’observation de la filière à un niveau local, régional et national, la mise en place de formations, ainsi qu‘une mission de conseil auprès des adhérents et des acteurs du territoire.
Quelles ont été les évolutions de vos postes au fil de votre parcours au sein du pôle ?
AL : J’ai d’abord été engagée en tant que prestataire/chargée de projet, puis en tant que salariée en temps partiel, et finalement à temps plein depuis 2016, en tant que coordinatrice du pôle prévention. En effet, au fil du temps, la mission s’est étoffée, car les sollicitations, aussi bien de la communauté éducative que des adhérents, se sont multipliées. Il a donc fallu imaginer et mettre en œuvre des dispositifs, complémentaires aux actions phares que sont les concerts pédagogiques (pour les scolaires) et la mise à disposition de bouchons d’oreille gratuits et tenue de stands (pour les adhérents). J’ai donc mis en place des conférences de sensibilisation directement dans les collèges et lycées, des propositions de formation des équipes, un système de mutualisation de matériel, tout en développant la communication, l’information sur la législation, etc. En parallèle, j’ai dû trouver des partenaires financiers complémentaires aux financeurs institutionnels de départ (ARS et Région). Je me suis aussi impliquée fortement dans le réseau national AGI-SON (AGIr pour une bonne gestion SONore), pour pouvoir nourrir les différents aspects du projet du Polca de l’expérience des structures équivalentes dans les autres territoires, et en tant que représentante des organisations régionales membres du réseau.
R. : Des concertations départementales de type SOLIMA avaient été menées avant mon arrivée en Haute-Marne et dans l’Aube, j’en ai lancé une sur les Ardennes, mais il s’est surtout agi dans les premiers mois de ma prise de poste d’assurer un suivi des premières concertations, et à œuvrer pour la mise en place d’un plan d’action en lien avec les collectivités concernées. La mission de conseil a pris une place plus importante dès 2017 avec la réorganisation des services au sein de la Cartonnerie de Reims. La personne en charge de la ressource et du conseil aux porteurs de projets est partie et la Cartonnerie a choisi de ne pas le remplacer, mais de créer un poste supplémentaire pour renforcer le secteur de l’accompagnement d’artistes en pleine expansion. Elle a proposé que cette mission ressource et de conseil puisse être portée par le Polca, notamment par les coordinateurs des pôles coopération et structuration. Mais c’est surtout en matière de représentation au niveau national que mon poste a le plus évolué. Au sein de l’espace de coopération des réseaux territoriaux et régionaux tout d’abord, cela a permis d’échanger avec nos homologues d’autres régions sur leur travail et les problématiques rencontrées. Puis au sein d’espaces de concertation réunissant ces mêmes réseaux régionaux, ainsi que les fédérations nationales de la musique, notamment dans la perspective de la création du Centre National de la Musique. Ces travaux à un niveau national se sont amplifiés récemment du fait de la crise sanitaire, avec des réunions très régulières d’une cellule de crise, la MCAC, Mobilisation & Coopération – Arts et Culture, rassemblant un grand nombre de réseaux, de fédérations et de syndicats de tous les secteurs du spectacle vivant, à l’initiative de l’UFISC, L’Union Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles.
Quel(s) souvenir(s) garderez-vous de cette expérience ?
AL : Beaucoup de bons souvenirs, parfois des petits coups de chaud…par exemple, en décembre 2014, un bon stress, le matin de la toute première représentation de notre spectacle pédagogique Peace&Lobe® devant des lycéens. Un problème technique de dernière minute m’a obligée à improviser, à la place des vidéos éducatives que les artistes avaient prévues de diffuser, des interventions au micro, sur scène, à leurs côtés, qu’il a fallu intégrer comme je pouvais entre les parties musicales du spectacle. Une grosse émotion, aussi, en octobre 2020, quand par miracle, entre 2 confinements, nous avons pu faire jouer ce même spectacle devant 300 élèves masqués et distanciés, dans la grande salle de la Cartonnerie, après 7 mois de silence complet dans ces murs…
Parmi les meilleurs souvenirs, les nombreux temps de présence, au stand prévention auditive, sur les festivals ou les concerts des adhérents, resterons de moments forts. Ils contribuent complètement au sentiment général que je garderai de ces années, et qui pourrait se résumer en deux mots : bienveillance et convivialité ! Au sein de l’équipe, avec les jeunes, stagiaires et volontaires en service civique, qui sont passés par la structure, avec les administrateurs de l’association, avec les adhérents et les partenaires, avec les artistes et les techniciens qui ont collaboré à nos projets, et bien sûr, avec le public des concerts : depuis 7 ans, j’ai pu apprécier à quel point le Polca aura constitué une vraie communauté. Heureusement, une grande partie de ces contacts ne sont pas perdus, et j’en retrouverai beaucoup, enrichis de plein de nouveaux, au travers des missions que je vais réaliser pour Grabuge.
R. : Au-delà du sentiment d’être utile à de nombreux acteurs, ces 4 années et demie m’ont permis de découvrir dans le détail le dynamisme du secteur des musiques actuelles sur le territoire de Champagne-Ardenne, en dépit d’un manque global criant de structures et d’équipes professionnelles. Les soirées passées à tenir le stand du Polca lors des différents festivals auxquels nous avons participé ont été autant de moments à rencontrer, échanger avec les équipes organisatrices, les autres acteurs du secteur venus également participer, et le public. Un public toujours curieux de nos activités, et ravi de pouvoir profiter des outils de prévention qui leurs étaient mis à disposition.
Je garderai un souvenir tout particulier du séminaire des adhérents qui s’est tenu à l’occasion du Cabaret Vert en 2019. Toutes les catégories d’adhérents étaient représentées et ont témoigné de l’importance d’un espace de coopération tel que celui offert par le Polca, au moment où la création du nouveau réseau Grand Est se précisait.
Mais ce sont surtout les rencontres et les échanges qui ont marqué ces années au Polca, même si je connaissais un bon nombre de personnes du secteur de par mes précédentes fonctions et activités.
Anne-Laure devant le stand du Polca – Photo : J. Dera
Quel sera votre poste et vos missions au sein de Grabuge ?
AL : Je suis embauchée en tant que chargée de mission « Pratiques responsables ». A ce titre, j’aurai en charge le développement de l’éco-responsabilité́ de la filière, l’accompagnement des acteurs sur la prévention et l’éco-responsabilité, le développement et l’impulsion de projets sur ces thématiques à l’échelle du Grand Est, tout en poursuivant et en développant le rôle de prévention santé que de nombreux acteurs du territoire ont déjà endossé.
Concrètement, je vais devoir coordonner et mettre en œuvre les travaux des commissions « Eco-responsabilité » et « Prévention santé » du nouveau réseau. Ces instances, composées d’adhérents et d’administrateurs motivés pour s’impliquer sur ces sujets, ont été pensées pour impliquer au maximum les membres du réseau dans ses travaux, afin que cette nouvelle structure puisse œuvrer sur les problématiques qui les concernent, et ainsi permettre que l’ensemble de la filière puisse en tirer bénéfice.
Pour y parvenir, un gros travail de repérage est déjà entamé et devra être amplifié : structures ayant déjà mis en place des actions ou des projets pertinents, forces vives susceptibles d’être force de conseil, relai d’information, etc. A terme, l’objectif est d’accompagner la structuration, à l’échelle régionale, d’une myriade de mini-réseaux de compétences et de ressources, et de favoriser les échanges qui enrichiront tout le monde.
R. : J’ai été nommé au poste de chargé d’Observation, en charge de l’observation donc, mais également de la ressource et de l’information, avec des missions temporaires d’encadrement, dans l’attente de la nomination d’une personne à la coordination générale. La mission d’observation est un axe prioritaire du réseau, et une mission transversale pour alimenter les travaux des différentes commissions du réseau. Les missions de ressource et d’information viennent compléter l’observation, et offrir des outils et de la matière aux adhérents du réseau et aux acteurs du Grand Est.
Rodolphe en modérateur de réunion – photo : Polca
Comment abordez-vous ce nouveau challenge ?
AL : Avec conviction, motivation et envie ! Premièrement, c’est vraiment intéressant de pouvoir se plonger dans de multiples thématiques, puisque jusqu’ici j’ai travaillé quasi-exclusivement sur les risques auditifs, et que je vais désormais devoir me pencher sur d’autres sujets, aussi divers que le développement durable, la responsabilité sociale et sociétale des organisations, la sobriété numérique, la prévention violences ou encore des risques liés aux conduites addictives dans les événements festifs, mais aussi celle des troubles musculosquelettiques des musiciens et techniciens, et j’en passe ! Depuis quelques semaines, pour préparer tout cela, je suis déjà en contact avec beaucoup de structures que je ne connaissais pas ou peu, et c’est vraiment agréable de voir combien les gens sont motivés par ces projets. Et puis, après 7 ans, au Polca, j’ai vu toute la force qu’un réseau musiques actuelles pouvait déployer, et tout l’intérêt qu’il représentait pour les acteurs du territoire. J’ai donc hâte de pouvoir aider le Grabuge à poursuivre sa mise en route, et de concrètement accompagner la mise en place de solutions et d’actions au bénéfice de tous les acteurs musicaux du territoire régional.
R. : Avec le même enthousiasme que lorsque j’ai rejoint le Polca, et la même impatience à aller à la rencontre de nouveaux acteurs sur un territoire plus vaste. La période actuelle a pointé la nécessité du collectif, la création récente de Grabuge va clairement dans ce sens. Si les missions qui m’y sont confiées sont sensiblement différentes de celles que j’avais au Polca, elles restent d’intérêt général et en faveur du développement de l’ensemble d’un secteur qui me passionne toujours autant.
Le mot du président
“Je souhaite aux collaborateurs qui quittent aujourd’hui le Polca pour le réseau Grabuge une pleine réussite dans l’exercice de leurs nouvelles missions au service des acteurs du Grand Est, et les remercie pour leur engagement et leur disponibilité durant ces années cruciales qui auront permis à notre association de contribuer au développement harmonieux de l’écosystème des musiques actuelles en Champagne-Ardenne. Je gage que les missions qui leur sont désormais confiées à l’échelle de ce vaste territoire oriental leur permettront un plein épanouissement professionnel, comme nous devons être assurés que les liens noués ici leur seront de solides points d’appui pour déployer leurs talents, au profit d’un plus grand nombre.”
Patrick Legouix
Pour information, le pôle “coopération” du Polca reste en activité jusqu’au vendredi 26 mars 2021.