Chronique : Arlichet – “Avril”

Il y a des périodes, comme celles que l’on vit actuellement, qui n’incitent pas forcément à se lancer dans l’écoute de choses un peu plus complexes que d’habitude… Rentré à 21h chez moi, lasse d’une vie moderne et monotone, entre confinement et couvre-feu, je pose les pieds sur la table basse en m’effondrant dans le canapé, l’oreille ouverte à la découverte d’un nouveau monde, celui d’Arlichet.

Le titre d’ouverture déroule ses premières mesures et des tonalités mélancoliques, sombres et sobres remplissent mon salon. En résonance avec ce monde moderne et froid, Arlichet propose de la cold wave très typée, à l’ancienne, proche de groupes tels que Trisomie 21, Front 242 ou Anne Clark. Son son est dans la continuité parfaite de l’esprit indus typique du genre, réservé aux connaisseurs, et que j’aime tant. C’est alors que mes pieds tombent de la table. Le premier morceau était bien parti quand le chant fait son entrée. Et c’est l’incompréhension, dans un premier temps tout du moins… Pris au dépourvu, je me lève et je redémarre le morceau « No Signal Echoes » plusieurs fois pour l’analyser.

Je dois avouer que je n’avais pas entendu de véritable cold wave de type bloc allemand 80’s depuis très longtemps. Derrière les apparences épurées de la musique d’Arlichet se cache beaucoup de travail. On peut distinguer des kilomètres de lignes musicales constituées de belles instrumentations. Faire sombre et beau aujourd’hui reste compliqué. Le chant, quant à lui, souffre… Il navigue en eaux troubles où il passe de voix posées à des phonations complexes. Arlichet nous transmet en fait sa souffrance, ainsi que celle du monde moderne. Il force l’auditeur à plonger dans un gouffre en le questionnant. On entrevoit alors des couloirs musicaux sans fin, comme, par exemple, le groupe The Durutti Column savait les faire.

La musique d’Arlichet n’est donc pas simple d’accès et vous laissera en suspension tel un colloïde au-dessus d’un abyme. Il est à réserver aux auditeurs en manque d’expérimentation, qui aiment là où le mal se complait dans le bien, et le bien dans le mal, questionnant les frontières pour enfin ressentir des émotions, comme une réponse au climat social, économique et culturelle d’une période proche de celle de la naissance de la cold wave…

Dove

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