Rencontre avec Ninon Valder qui nous présente, dans cette interview, l’ensemble de son parcours : celui qui l’a mené jusqu’au projet musical Las Famanitas et ce qui l’a poussé à créer le Centre de Recherche de Musique et transmission orale – CEREMUSA – porté par l’association Flying Penguins.
(note : cette interview a été réalisée en février 2020).
Quel a été ton parcours professionnel ?
Ninon Valder : Je suis flûtiste, bandonéoniste, compositrice et chanteuse. Je viens d’Albi dans le Tarn. Mon parcours académique a commencé par la musique classique, avec un prix de flûte et de musique de chambre du conservatoire de Nantes, après j’ai fait un master de jazz à Leeds College of Music, puis un prix de bandonéon au conservatoire de Gennevilliers avec Juan Jose Mosalini. J’ai aussi travaillé avec Dino Saluzzi (ECM). Le chant est le dernier arrivé, et c’est avec Martina A. Catella, au Centre de recherche vocale des Glotte-Trotters, que j’ai appris. Avec Carine Bonnefoy, j’ai étudié l’écriture et la composition jazz à Cachan. Et puis j’ai aussi fait l’École Supérieure Louis Lumière en section Son. Bref, j’aime apprendre, découvrir et grandir.
J’ai compris avec mon parcours de flûtiste que la fin des études en conservatoire n’était que le début de la vie musicale, et que ma place n’était pas dans la musique classique. Alors j’ai commencé à chercher. J’ai rencontré beaucoup de musiques différentes : de la musique indienne à la musique africaine, la musique contemporaine ou le free jazz, principalement dans les musiques acoustiques. Tout ça s’étale sur pas mal d’années, et est entremêlé avec ma vie professionnelle. Ca a d’abord été l’afro-jazz à Paris à la fin des années 90, avec Rido Bayonne, Paco Séry, Etienne M’Bappé ou encore Sylvin Marc. Et puis, en Angleterre, j’ai rencontré le théâtre. J’ai commencé à faire de la musique de film et de scène. En 2007, je jouais soliste avec Vasko Vassiliev les 4 saisons de Piazzolla, et j’ai dirigé le 5tet des Bellet Boyz pour la réouverture du Royal Festival Hall, on a joué aussi à Covent Garden au Buckingham Palace (j’y ai croisé le prince Charles !)
Depuis 2006, je voyage beaucoup vers l’Argentine, pour trouver les racines du bandonéon. En 2011, j’y ai rencontré Nicolàs « Colacho » Brizuela. C’est un grand monsieur de la musique argentine car pendant plus de 30 ans il a été l’arrangeur, le guitariste et le directeur musical de la grande chanteuse argentine Mercedes Sosa. On a travaillé en duo pendant 8 ans. A ce moment là, j’ai passé la moitié de mon temps en Argentine, à Buenos Aires et dans le nord du pays. J’y ai appris les musiques, les coutumes, les chants. On a sorti un disque en duo en 2013 : Cuscaias (Acqua records). On a aussi fait un spectacle pour enfants à Bords 2 Scènes (Vitry le François) en 2016 : Caminos Argentinos qui signifie “les chemins de l’Argentine”. Une manière de faire découvrir un ailleurs aux enfants.
En 2018, j’ai créé le spectacle Canto de los pueblos – le chant des villages (www.cantodelospueblos.com) avec une tournée dans le Sud-Ouest Marnais avec le guitariste argentin Leonardo Sanchez et Las Famatinas. L’EP du concert est sorti en juin 2019 sur le label “Les Belles Ecouteuses”.
En maintenant, c’est Las Famatinas, trio vocal et instrumental de musique argentine qui sort son premier album Asi Seguimos Andando (Les Belles Ecouteuses – janvier 2020) – www.lasfamatinas.com.
Peux tu nous présenter l’association Flying Penguins et le Ceremusa ?
NV : Flying Penguins est une association Loi 1901 créé en avril 2002. Je suis artiste associée de l’association depuis la création. J’ai la chance d’avoir quelques personnes proches qui soutiennent mon travail au travers de leur engagement dans l’association. Nous sommes basés à Bethon, dans la Marne, depuis 2016. J’ai acheté l’ancien presbytère du village fin 2013 où nous avons déménagé un peu après. L’arrivée du lieu est un tournant dans le vie de l’association. C’est comme si soudain nous avions des racines et ça permet d’aller plus loin d’avoir des racines… On travaille autour de la musique, la musique vivante, acoustique. Le travail sur le corps est aussi essentiel pour moi. Je suis restée marquée par le concept anglais de « performer » : c’est celui qui est sur un scène, cela peut être un acteur, un musicien, un danseur. Donc le corps est là, et c’est la base d’un travail énergétique, qui permet de rentrer plus en contact avec les spectateurs lors du concert.
Nous avons créé le CEREMUSA avec Colacho Brizuela et j’en assure maintenant la direction (Nicolàs a dû repartir en Argentine). C’est un lieu de « production » dans le sens de lieu de répétition, de réflexion, de partage, a contrario d’un lieu de représentations. Mes expériences m’ont beaucoup enrichi et j’ai envie de commencer à les transmettre. C’est pourquoi j’ai choisi le nom CEREMUSA pour Centre de Recherche de Musique et transmission orale. L’oralité est importante, se retrouver et avoir des lieux privilégiés pour le faire aussi. Nous sommes à côté de l’église Saint Serein (à Bethon). Pour moi, il y a quelque chose de magique dans le lieu. C’est aussi là où je garde mes archives sur la musique argentine, et la musique en général. Je commence une petite « collection », une mémoire de mes recherches, qui je l’espère pourra intéresser des gens et devenir une mémoire plus large. J’ai pensé le lieu avec beaucoup d’espaces de travail, en bas il y a deux grandes salles avec deux pianos : dans une un demi-queue (Erard, c’est celui sur lequel ma grand-mère a appris à jouer !), et dans l’autre un piano droit. Le but en ce moment c’est de pouvoir finir la réalisation du studio d’enregistrement. Un studio simple, mais avec une belle acoustique, puisque c’est de ces musiques là qu’il se traite. Il y a 4 chambres, 2 salles de bain, une cuisine (c’est un lieu important la cuisine !) et deux grands espaces : le grenier avec son parquet d’origine (80m2), et le jardin avec un grand arbre pour faire un peu d’ombre en été.
Pour l’instant, j’y ai répété avec Colacho Brizuela – Ninon Valder DUO, avec Las Famatinas, pour mon solo Argentina en el alma. On y a organisé plusieurs stages de musique argentine avec Colacho Brizuela. L’heure est venue de s’ouvrir un peu au monde, et d’accueillir quelques projets qui ont besoin d’un lieu ressource ou encore d’organiser des stages et faire des enregistrements d’autres musiques.
Tu es à la fois artiste et créatrice du projet, n’est-il pas difficile de concilier les deux ?
NV : Je ne peux pas nier que c’est compliqué, mais je pense que le développement du CEREMUSA va avec mon développement personnel. J’ai très envie d’être active, voir pro-active : créer ce qui me plaît plutôt que me plaindre de ce qui ne me plaît pas. Alors je vois comme une chance d’avoir pu acheter un lieu, alors que je passe tellement de temps à l’étranger. Ce que je souhaite aujourd’hui, c’est de rencontrer des collaborateurs avec qui je pourrais échanger et développer ma pensée autour de ce lieu.
L’année 2020 promet d’être riche en activités, peux-tu présenter les projets à venir ?
NV : Il y a eut la sortie du disque de Las Famatinas, avec le concert de lancement à Paris au Studio de l’Ermitage le 19 février. On attend également des confirmations de dates dans le Grand-Est. Et puis il y a un tout nouveau projet solo : Argentina en el alma dont la première date s’est déroulée le 25 janvier 2020 à Troyes. Je voudrais l’amener dans plein d’endroits, à Paris bien sûr, mais aussi au Brésil. C’est pratique car c’est un spectacle léger.
Peux-tu nous parler enfin du projet “Las Famatinas” ?
NV : Alors Las Famatinas, c’est une belle aventure, autant humaine que musicale.Ce nom siginfie “les filles du mont Famatina” situé dans la province du nord ouest de l’Argentine : La Rioja. C’est clin d’oeil à la province natale de Nicolàs Brizuela. Nous sommes trois chanteuses et instrumentistes. C’est une invitation au voyage vers l’Argentine avec ses rythmes et sa poésie, tout en délicatesse et sensibilité, avec ce lien à la terre, à l’amour, à l’être ensemble, à la liberté, à la résilience. Le trio a été créé en 2015 par Nicolàs « Colacho » Brizuela, artiste nominé aux Latin Grammy Awards. Las Famatinas sont les héritières de la pensée musicale de Mercedes Sosa (1935/2009), appelée La Negra par ses admirateurs, chanteuse extrêmement populaire dans toute l’Amérique latine. Pendant plus de 30 ans, Nicolàs « Colacho » Brizuela a œuvré à ses côtés comme arrangeur, directeur musical et guitariste. Avec une touche de jazz, Las Famatinas interprètent les plus grands succès de la grande dame ou des thèmes moins connus de la musique argentine.
Valentine Jé chante et joue des flûtes, Chloé Breillot chante et joue du ukulele, Colacho Brizuela assure la direction musicale et les arrangements et C’est moi et je chante, joue du bandonéon, de la flûte et m’occupe de la direction des voix.
La disque est sorti en janvier avec un concert de lancement à Paris au Studio de l’Ermitage le 19 février. […] Et puis il y a un également un nouveau projet solo : Argentina en el alma dont la première date s’est déroulée le 25 janvier 2020 à Troyes. Je voudrais l’amener dans plein d’endroits, à Paris bien sûr, mais aussi au Brésil. C’est pratique car c’est un spectacle léger.
Une collaboration avec Bords 2 scènes est envisagée pour 2021. En quoi consiste-elle ?
NV : Il y a plusieurs pistes de travail pour 2021 : un concert de Las Famatinas, participer à Collèges en Scènes (sous réserve de réponse favorable du département), et aussi la création de mon nouveau 4tet, avec mes compositions personnelles. Je suis ravie de cette collaboration.
Comment avez-vous découvert le Polca et pourquoi avez vous choisi d’adhérer ?
NV : C’est par le conseiller musique de la Région Laurent Matthieu que j’ai découvert le Polca. Pour moi adhérer c’est prendre part, et avoir la possibilité d’agir, de partager ou d’échanger des idées et des envies.
Ce contenu est partagé dans le cadre de la collaboration entre musiquesactuelles.net et le Polca – Pôle Musiques Actuelles.