Post-rock is dead ? Pas vraiment à l’écoute du premier album du duo marnais Térébenthine. Mais qu’est-ce qui peut bien pousser des jeunes gens sains de corps et d’esprit à se lancer dans une aventure si singulière aujourd’hui ? Réponse avec l’interview de Guillaume et Raphaël…
Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous retracer l’histoire de Térébenthine ?
Térébenthine : Alors, pour commencer, il y a Raphaël à la batterie et Guillaume à la guitare. Nous avons monté le groupe Térébenthine en 2010, alors que nous jouions dans Cho Yang. Au départ, c’était juste une envie de jouer
encore, de continuer les répètes. Il y avait même Greg avec nous, le bassiste de ChoYang ; et puis il s’est avéré que nous étions avec Raphaël les deux plus motivés. Et tout est allé assez vite : les compos, les premières dates, la première mini tournée, et même le premier enregistrement (1er EP 7 titre éponyme), qui au départ ne devait être qu’une maquette. À deux, les choses sont allées assez vite, avec beaucoup d’envie et une bonne dose de Do It Yourself comme la pochette du 1er EP serigraphiée sur carton. Et puis, au gré des rencontres, on a pu jouer sur de beaux plateaux, comme au Pacemaker Festival avec Poutre et Pord notamment, et puis avec des groupes comme
Gâtechien, Melatonine ou Matt Elliott, … Ensuite, on a eu envie de sortir un truc en commun avec ISaAC, d’où notre
split vinyl “IT”, qui nous a permis de signer avec Atypeek Music (pour la partie numérique), et de réaliser une belle tournée, ponctuée par une collaboration avec Gilles Estines, dont on parlera après. On a aussi sorti un clip à cette période. Après cela, on a connu une période plus calme pendant un an, pour cause de paternité, avant de recomposer et préparer un nouvel album “Visions”, dans de meilleures conditions. On a donc pris plus de temps, et un lieu plus adéquat (l’Orange Bleue), et aussi choisi de travailler avec Benoît Courribet, de Xnoybis, du début à la fin de la chaîne “enregistrement-mixage-mastering”.
Quels sont les groupes de rock et de post rock que vous suivez en ce moment ?
T : Il y en a plein ! Entre les vieux groupes que je suis encore et tout ce qui sort en termes de nouveautés, c’est difficile de tout suivre. Par exemple dernièrement, j’ai vu en concert City of Caterpillar, mais j’ai aussi vu que The New Year avait sorti un nouvel album… Et dans le même temps j’adore des groupes plus récents comme The West Windows, ou Ulrika Spacek. Mais je ne me limite pas du tout au post rock, comme vous
pouvez le voir.
Est-ce que les placespour ce type de musique se font plus rares ou est-ce qu’il y a moins de groupes
de post rock ? C’est un créneau difficile à défendre ?
T : Tout d’abord, je ne pense pas qu’on appartienne stricto sensu au genre post rock. Aujourd’hui, les styles et les genres sont beaucoup plus mélangés, et digérés, et il est rare de retrouver des groupes de pur post-rock à part les dinosaures que sont Mogwai, Mono, Godspeed… Je ne pense pas non plus qu’il y a moins de place pour ce genre de musique. Aujourd’hui, on sent leur influence dans des tas d’autres groupes, que ce soit dans le son ou dans l’état d’esprit. Ce qui m’a plu dans le post rock, c’était les oppositions et les forces : à la fois le côté doux de la caresse et le côté dur du “mur de son” qui te met une claque, tout cela savamment orchestré… Je pense que cela existe toujours et a toujours autant sa place, car cela fait partie de ce que l’on vit émotionnellement, sociologiquement, culturellement, économiquement… Il y a peut-être davantage aujourd’hui de groupes qui expriment une “catharsis”. Je pense qu’il y a toujours des gens un peu plus torturés qui aiment aborder les choses de manière un peu plus complexe…
Est-ce que cet album a été influencé par d’autres univers musicaux ou artistiques ?
T : Cet album est avant tout conçu à deux, entre Raphaël et moi. On ne se fixe pas de limite, on ne dirige pas vraiment nos improvisations. On laisse cours à ce qui vient dans le jeu entre nous. Et ce qui vient alimenter
notre inspiration est plutôt de l’ordre des images et du ressenti. Voilà pourquoi l’album s’intitule “Visions”. La pochette devait au départ être une association ou un jeu avec nos mains, comme pour symboliser une sorte
de ” symbiose physique, et musicale”, faite ” nous-même, avec nos mains”. Finalement, c’est grâce à une amie, Sandrine Lehagre, photographe, et joueuse avec les mots, que nous avons abouti à cette pochette où l’on retrouve nos visages, cette oreille commune, les yeux fermés comme pour mieux écouter nos “visions”. Nous avions collaboré il y a quelques années avec le peintre Gilles Estines lors d’un concert performance du côté de Rennes. Ces collaborations artistiques nous plaisent et nous intéressent. Et surtout, nous aimons rencontrer les gens avec qui nous collaborons.
Comment se passe la relation avec le public ? Est-ce un milieu de passionné ou tout le monde se
connaît (ou presque) ?
T : La relation avec le public, quand il est présent, est bonne; l’affluence est très variable, on peut se retrouver à jouer devant une centaine de personnes un soir, puis pour quelques pèlerins un autre. Mais à chaque fois, les retours sont bons que ce soient des organisateurs, des groupes avec qui l’on joue, ou du public. Les autres se taisent peut-être… Avec les années, on connaît un peu plus de monde, c’est vrai, mais il ne faut pas se voiler la face : on reste un groupe instrumental, de niche, et en plus pas très bon communicant. C’est le moins qu’on puisse dire ! Cela reste toujours une épreuve d’organiser une tournée, ou de chercher des dates. Après, il y a des coups de cœur parfois, avec des lieux, ou des organisations et des affinités qui se créent davantage avec certains qu’avec
d’autres. On garde de bons souvenirs de Caen, Rennes ou Lille par exemple… Davantage qu’à Reims, ou l’accueil du public est différent, à l’exception de notre dernier concert à Turenne. Au final, on essaie de prendre du plaisir à chaque concert, et je pense que ce plaisir se diffuse jusqu’aux gens qui sont réceptifs à notre musique pendant nos lives.
Crédit Photo : Romano Solo et Sandrine Lehagre