Parmi nos adhérents, les Ritmistas dos Pily font partie des quelques structures qui oeuvrent dans le champ des musiques du monde. Mais, de quoi parle-t-on exactement ? Michael Demazure a accepté de prendre la parole au nom du collectif pour nous éclairer…
Comment est né le projet du Collectif Ritmistas dos
Pily ?
Michael : C’est un enchaînement d’événements qui a mené à ce projet. À la base, ça a commencé en 2004 avec le groupe Pili Pily. On était sept passionnés de percussions africaines à penser qu’il serait bien de se rassembler, de monter un projet pour pouvoir évoluer, apprendre ensemble et se donner les moyens de progresser. De fil en aiguille on a fait des concerts, on est partis en Afrique, on a bossé, on a appris. Un jour, le festival Pic’Arts de Septmons, pour qui nous avions déjà joué, nous a demandé si on pouvait faire de la musique brésilienne. On s’est regardé tous, on a réfléchit et on s’est lancé dans le projet. On avait trois mois pour mettre en place un répertoire brésilien. Et qui dit Batucada (percussions brésiliennes) dit beaucoup de monde… On a de nombreux amis dans les groupes de musique du coin. On a donc fédéré les batteurs et les percussionnistes pour devenir plus gros. Pendant un moment, on a stagné à quinze mais on savait qu’il fallait encore grossir. C’est là qu’on a ouvert notre cours et commencé à former les gens. On a donc atteint des nombres qui sont devenus intéressants, surtout pour ce type de
musique. Maintenant, on donne des cours de musiques brésilienne, de percussions africaines et cubaines, on a des cours de didgeridoo et on organise des stages. Tout le projet se dessine avec les compétences et les savoirs-faire des gens du réseau. C’est pourquoi on a finit par se mettre sous la forme d’un collectif. Aujourd’hui, on se développe sur les spectacles que l’on peut proposer, les cours de musique et tout ce qui va être formation en entreprise par le biais de la musique. On a une entreprise SAS pour les cours, les formations et les interventions en écoles ou en entreprises. Pour tout ce qui est “spectacles”, on est sous une forme associative.
Que penses-tu de la représentation des musiques ouest-africaines et cubaines en France, et en Champagne-Ardenne en particulier ?
M. : J’ai mis du temps à le savoir mais il y a quand même des communautés assez fortes dans plus ou moins toutes les cultures à Reims. Il y a de nombreux étudiants qui viennent des différents pays d’Afrique de l’ouest, des cubains aussi. Mais les événements qui s’organisent sont très peu accessibles et l’information ne circule pas. C’est assez difficile par ici. Si on regarde à l’échelle nationale, et maintenant avec Facebook et tous les réseaux sociaux, on voit bien que les musiques traditionnelles et du monde, notamment autour des percussions, sont très développées partout en France mais très peu en Champagne-Ardenne. Pour autant quelques initiatives existent. Il y a Christian Levry qui donne des cours de percussion africaine au Flambeau, il y a Amdy Seck avec son association Acao qui donne des cours de percussions africaines et sénégalaises, il y avait l’association Africa qui donnait des cours de danse et l’activité qui existe aujourd’hui avec Filao et Corinne Soignon de l’association Les Ardennes. Du coup, on a des cours de danse, des activités autour de l’Afrique, des cours de percussion africaine à Charleville et un peu de
brésilien à Château-Thierry. Par rapport à la France, il y a très peu d’activités et surtout des propositions autour de la culture africaine. En musique cubaine, il n’y a pas de centre qui organise ce genre de cours. Quand j’ai commencé la percussion, si j’avais pu trouver une école de musique du monde qui donnait une vraie formation en neuf ans pour acquérir un savoir et se lancer, je l’aurai fait. Une formation qui aurait été du type conservatoire. Mais il n’y a pas ça en France. Il y a des petites associations partout : beaucoup ailleurs, très peu ici… On n’est pas si nombreux que ça par rapport au potentiel qu’il y a dans les musiques du monde sur le territoire. On ne se marche pas dessus. Si je compare à Paris où il y a vraiment une offre très grande, ici on entretient de bonnes relations avec tous les acteurs. On travaille beaucoup ensemble.
Quels sont les points positifs qui sont à retenir depuis la création du collectif ?
M. : Ce qu’il y a de difficile dans ces musiques-là en France, c’est qu’elles n’appartiennent pas traditionnellement à notre culture. Donc les gens n’ont pas forcément intuitivement une compréhension correcte de ce qui se passe.
C’est de la musique donc ils l’écoutent, ressentent des émotions et l’apprécient. Aujourd’hui, les élèves et les gens qui viennent régulièrement aux événements ont une oreille qui s’est développée. Il y a une qualité d’écoute, une meilleure compréhension. Ils savent aussi pourquoi ces musiques sont jouées, comment elles s’écoutent, comment elles se dansent, comment elles se vivent et ça c’est très positif. On organise des bœufs de musique du monde qui sont ouverts par des élèves de l’école. On voit la réaction des personnes présentes et ça nous encourage à continuer de diffuser les messages véhiculés par ces musiques : un esprit de famille, de fête, où le centre de l’événement n’est pas la musique mais la soirée. Si je prends pour exemple l’Afrique de l’ouest, on ne va pas voir les artistes faire un concert, on va à un mariage et il y a des artistes qui jouent. Les artistes font partie d’un tout.
Peux-tu nous parler des prochaines masterclass prévues dans les semaines à venir et de leurs intervenants reconnus internationalement ?
M. : Il y a deux masterclass cette année alors que l’année dernière on en avait fait huit. Elles se déroulaient sur une journée et avaient pour sujet des styles différents comme la musique de La Réunion, de la Guadeloupe… Là, on a décidé d’en faire deux, mais des plus grosses et plus longues avec des intervenants reconnus à l’international.
La première se passera du 29 avril au 1er mai au Gîte de la Tombelle dans l’Aisne. C’est un site qui est au milieu des champs et proche des bois. On va être isolés et très bien installés. Ce stage va être animé par Jean Didier Hoareau qui est le neveu de Daniel Waro. Ils jouent ensemble sur toutes les tournées de Daniel Waro, qui est le représentant de la musique maloya, une culture issue des différents apports des esclaves de la Réunion. Le
premier jour sera dédié à la fabrication d’un Kayamb et les deux jours suivants on aura des ateliers. Mais on va aussi manger réunionnais, on va faire des veillées, les gens vont pouvoir découvrir d’autres aspects de la culture
réunionnaise. Sur les quinze places disponibles on a déjà dix inscrits.
Pour le second stage on fait venir Famoudou Konaté qui lui est l’un des doyens de la culture mandingue, donc de la pratique des percussions Malinké. Il a un CV exceptionnel. Il ne vient presque plus en Europe, et là, il fait un seul stage dans chaque pays. On est chanceux puisque c’est tombé sur nous pour la France. Donc c’est un stage qui est quasiment complet. Il est là les 27 et 28 mai pour le stage et il fera un concert le 26 mai aux salons Degermann avec ses fils et les jeunes qu’il a formé en France et en Allemagne. Il y a deux niveaux sur cette masterclass, intermédiaire et avancé, alors que le premier stage est ouvert à tous dans un esprit très participatif entre la chanson, les instruments… On est assez contents parce que ça rassemble des gens de toute la France, même d’Italie ou de pays limitrophes. Ça nous fait plaisir de voir autant d’intérêt.
Comment as-tu découvert le Polca et pourquoi as-tu souhaité adhérer ?
M. : Avant de former le groupe Pili Pily, on faisait déjà tous de la musique. Je faisais partie d’une association qui organisait des concerts. C’était avant même la création de la Cartonnerie, donc quand le Polca s’est créé on était au courant dès le départ. Quand on est musicien dans une ville, les structures qui se créent ou qui existent pour développer le réseau, pour entretenir les relations entre les différentes structures, qui vont pouvoir mettre en avant tout ce qui existe dans les différents styles et ouvertes à tous, c’est génial. Maintenant qu’on a une structure qui s’officialise et une activité qui grossit, c’était une évidence pour nous d’adhérer.