Artiste : Pire Mastaa

Avec un parcours déjà assez conséquent et une progression régulière, Pire Mastaa est la force tranquille du rap made in Reims. S’il puise ses influences dans le rap old school de New York City notamment, il n’en est pas moins au coeur de l’actualité avec un passage sur la scène du festival Cabaret Vert et un album à venir !

Quelles sont tes influences, quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Pire Mastaa : Je suis influencé par deux écoles de rap américain des années 90. Étant donné la taille de leur pays et la très faible utilisation d’Internet pour la diffusion musicale à cette époque, les styles de rap selon les régions étaient très marqués, très différents, pas dans une seule tendance ou un seul format comme le rap majoritaire actuel. J’ai donc un pied dans l’école de New-York (Wu Tang Clan, Mobb Deep, et par extension Army Of the Pharaoh à Philadelphie) et un pied dans l’école de Memphis (Triple Six Mafia, Evil Pimp, Project Pat et toute
la clique Hypnotist). Ce sont les influences depuis mes débuts et pour toujours, mais j’ai quand même une oreille dans ce qui sort actuellement, par exemple j’apprécie le travail des $uicideboy$ (New Orleans) ou plus particulièrement d’Iceberg Black (NY). Mon label favori en France, c’était Néochrome. On peut considérer que Barillet Plein (2005) de Seth Gueko et Haine, Misère et Crasse (2006) d’Unité de Feu (Alkpote + Ktana) forment
mon nouveau testament « rapologique ». Mon rappeur favori de tous les temps est Alkpote.

Qu’est-ce qui t’as donné envie d’être rappeur ?

P : Tout simplement la passion. Je trouve que le rap est un prisme à travers lequel on peut regarder la musique dans toute sa globalité. Je suis passionné de musique mais le rap est ma musique préférée. C’est une culture très riche grâce aux samples. J’ai découvert beaucoup d’artistes en remontant les samples de mes morceaux favoris
et en en cherchant des nouveaux pour faire mes propres beats. Je pense qu’il faut aussi une bonne dose de galère et d’ennui. J’ai commencé à 15-16 ans, déscolarisé et bloqué au quartier avec un noyau dur de frères qui partageaient la même vie que moi au même moment…

Tu collabores avec d’autres artistes sur beaucoup de tes morceaux, qu’est-ce que ça t’apporte sur le plan musical ?

P : Cela dépend des artistes. Pour certains, cela ne m’apporte rien musicalement. C’est juste un bon moment entre amis, mais pour d’autres, c’est la claque. J’apprends des techniques, j’échange des idées, il y a de l’émulation, et pour moi la culture hip-hop, c’est aussi le partage alors partager un micro semblait naturel. Je suis totalement indépendant sur le plan du son (j’écris, je rappe, j’enregistre, je mixe) mais j’aime bien écrire à côté de quelqu’un sur la même instru et essayer des flows en direct, même si ça m’arrive de moins en moins. Je vais créditer quelques collègues qui m’ont appris des trucs : Bakara et DJ Bara pour la théorie et la pratique des mesures, Gors et Lyrical Don (RIP) pour l’écriture et l’importance du message, Tra-Keur et Jayel pour les techniques de son et le beatmaking, Jazz pour la scène, Starlion pour la musique et le recul, et tous ceux avec qui j’ai collaboré pour la force et la
compétition, il y en a tellement. Malheureusement je compte réduire les featurings afin de ne dépendre de personne pour mes lives.

De quelle manière travailles-tu ?

P : Tout doit partir d’une inspiration, soit pour du beatmaking, soit pour l’écriture, l’une appelant souvent l’autre dans la foulée. Quand je commence par l’écriture, des phrases me viennent et je les passe au crible du flow et de la technique pour avoir quelque chose de travaillé. Je peaufine le texte sur une instru aléatoire (de ma composition ou non) qui correspond à l’ambiance de ce que j’écris, puis je fais une instru sur mesure ou j’en reprend une que j’avais faite et que je modifie pour qu’elle colle parfaitement. Je répète jusqu’à maîtriser. Si je commence par l’instru, j’en fais une et si elle me donne envie de rapper, d’écrire, alors c’est parti. Cela peut se faire en moins d’une heure comme en quelques années car je suis un perfectionniste, je ne sors rien dont je ne suis pas sûr. J’aime être honnête avec l’auditeur.

Comment as-tu préparé ton concert au Cabaret Vert ?

P : Je suis encore en train de le préparer puisque c’est dans un peu moins de deux mois. Je ne répète quasiment pas, car je fais des scènes assez régulièrement et je retiens vite mes textes.  J’essaye juste de faire des sets aussi longs que le temps qui m’est alloué pour le Cabaret Vert et je le modifie pour tester : quels sons jouer ou non, dans
quel ordre…

Je travaille le son avec Jayel et Urb de la Cartonnerie. Ce sont quasiment toutes mes instrus mais Jayel les arrange pour obtenir de la dynamique ainsi qu’un son homogéne et Urb passe tout à la Cartonnerie pour finaliser le mixage. Merci à eux !

Tu as déjà un beau parcours en Champagne-Ardenne avec des participations à la Block Party de Velours ou encore le dispositif Carto Blaster dont tu as été lauréat. Quels sont tes projets à venir ?

P : Ce sont de « vieilles » participations ! Depuis j’ai eu la chance de faire la première partie de Kery James à la Cartonnerie devant 1200 personnes, mais aussi le Gouffre et Demi Portion en 2016 grâce à Velours au -regretté- Freaked Studio, j’ai participé à chaque Block Party ainsi qu’à chacune des éditions du Boom Bap Festival et je suis toujours lauréat Carto Blaster, je suis plus précisément en accompagnement artistique. J’ai d’ailleurs présenté le Carto Blaster de cette année (très bon cru, le 2017) et j’ai même presque un rôle de « consultant » sur cette édition dans laquelle j’insuffle quelques idées, combinées à celles de Jayel. Merci d’ailleurs à la Carto pour cette oreille attentive… J’ai aussi eu la chance d’avoir une heure d’émission pendant le Planète Rap Nocturne avec Fred Musa (merci à lui !)

J’ai sorti mon projet gratuit Débordements fin février sur Haute Culture et me suis classé top 4 pendant une semaine !

Niveau projets à venir, c’est bien évidemment l’album qui s’impose en toute logique. Je compte sortir No Rest pour l’automne 2017 sur les plateformes digitales payantes après avoir maintes fois repoussé ce projet d’album suite à plusieurs refontes. Je ferai toutes les instrumentales sauf deux qui seront confectionnées par Jayel et par I.N.C.H. On pourra retrouver mes 5 morceaux clipés qui sont mes « classiques » (Origami ft, Déganos Bokassa, Passages à Vide ft. Noss, No Rest, Hip Hop & Loup Blanc produit par Jayel), 5 autres futurs clips dont les sorties seront étalées sur un programme millimétré pour faire vivre l’album et avoir de l’actu, et 5 autres morceaux
pas forcément destinés à être clipés. Je calerai peut-être un morceau bonus pour la forme, ce qui porterait le nombre de piste à 16. Le graphisme sera assuré par GMTW et la photo par Mokhtar Gordon, très certainement en combinaison avec VisualJokerz. Je compte continuer les scènes à rythme soutenu et j’aimerai reprendre l’écriture pour enchaîner avec des EP’s au format plus court et destinés à être gratuits. Je ne m’arrêterai pas à la région… Le
but est de prendre tout ce qu’il y a prendre.

Credit Photo : Mokhtar Gordon et Langue Morte

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